Le Massage aujourd'hui en France
Une situation paradoxale
La fin du XXème siècle et des "Trentes Glorieuses" a connu un tournant dans le mode de vie des individus de la société française et un changement progressif de la représentation d'une vie accomplie. D'une vision carriériste où la considération sociale passait par la réussite professionnelle, les mentalités ont évolué vers une approche plus naturelle, simple, où le respect et le bien-être de l'individu dans son entier, corps et esprit, sont plus importants. Cette aspiration à une vie tournée vers l'essentiel, loin de toute pression financière et sociale, était déjà apparue dans les années 60 avec le mouvement "new age" hippie tout en restant à l'état marginal. Mais durant ces deux dernières décennies, la mondialisation de l'information et des marchés aidant, la société de consommation a fait de ce besoin du "mieux-vivre" sa ligne de conduite commerciale. On retrouve ainsi le terme "zen" régulièrement détourné de sa signification première de philosophie de vie et les mots "bien-être" sont galvaudés dans des publicités de produits aussi variés que la lessive, les pneus de voiture ou la nourriture pour chien.
Le marché du massage de bien-être représente aujourd'hui en France un créneau porteur et en constant développement, sous quelque forme que ce soit. Par exemple, une étude réalisée en Octobre 2005 [5], basée sur le référencement dans l'annuaire des Pages Jaunes, montre que les rubriques pouvant englober des prestations de massage de bien-être sont :
-
à 86 % représentées par les Instituts de beauté et centres d'esthétique (dont seulement 60 % proposent alors des activités de massage de bien-être),
- à 11 % représentées par les salons de relaxation et les praticiens de bien-être,
- à 2 % représentées par les saunas, hammams et spas,
- à 1 % représentées par les centres de thalassothérapie.
Mais un groupe fortement notoire n'a pas encore été présenté : les masseurs-kinésithérapeutes.
Si cette étude témoigne d'un nombre de professionnels n'étant pas masseur-kiné égal à 19 442 individus, le nombre de masseurs-kinésithérapeutes, pour la même époque, est égal à environ 41 332 professionnels libéraux... Soit un ratio d'environ 2 pour 1, qui pourrait se traduire par les statistiques suivantes concernant les professionnels susceptibles de réaliser des prestations de massage de bien-être :
- 68 % sont des masseurs-kinésithérapeutes en cabinet libéral,
- 32 % sont des esthéticiennes ou praticiens de bien-être oeuvrant dans des instituts de beauté, salons de relaxation, spas, thalassos, etc (le nombre de masseurs-kinés salariés employés dans ces instituts, salons et centres reste très négligeable).
Il est de plus important de signaler que la législation est très claire sur l'exercice professionnel du massage en France : l'article L.4321-1 et R.4321-3 du Code de la Santé Publique (voir partie Législation) précise bien que seuls les titulaires du Diplôme d'Etat de Masso-Kinésithérapie sont habilités à effectuer des massages, qu'ils soient thérapeutiques ou non, c'est à dire que les massages de bien-être sont aussi compris dans cette règlementation. Le Code de Santé publique prévoit de lourdes sanctions en cas d'exercice illégal du massage, soit 2 ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende (article L.4323-4). [1,2,3]
Enfin, les articles L. 4321-8 et L. 4323-5 du Code de la Santé Publique réservent le titre de "Masseur", accompagné ou non d'un qualificatif (comme "Masseur de bien-être"), uniquement aux masseurs-kinésithérapeutes. L'usurpation de titre est un délit relevant du Code Pénal, les peines prévues par l'article 433-17 se montent à 1 an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. [1,2,4]
On constate donc aujourd'hui en France une situation paradoxale où la demande en massage de bien-être trouve plus facilement réponse dans les instituts de beauté, de relaxation, les spas et les thalassos alors qu'il existe un nombre 2 fois plus important de masseurs-kinésithérapeutes, dont la pratique du massage de bien-être leur est en plus exclusivement réservée par la Loi...
Retour
Trois professions pour une activité
Comme nous l'avons vu précédemment, seuls les masseurs-kinésithérapeutes possèdent la légitimité de l'exercice professionnel du massage en France, cependant il existe aujourd'hui 2 autres professions qui lui disputent ce monopole : les esthéticien(ne)s et les praticiens de bien-être. Si ces professions affichent toutes des prestations de massage de bien-être identiques, leurs caractéristiques, comme leur formation initiale ou la règlementation qui encadre leur exercice professionnel, sont quand à elles complètement différentes, et même parfois très éloignées.
Les Masseurs-Kinésithérapeutes
-
La profession : en 2007, la Fédération Française des Masseurs-Kinésithérapeutes Rééducateurs recense 62 602 professionnels (densité de 102 pour 100 000 habitants) dont 80 % environ exercent en cabinet libéral [8]. Le champ de compétence des masseurs-kinésithérapeutes est très vaste, leur mission première est paramédicale, agissant sur prescription en tant qu'auxiliaires médicaux, notamment à des fin de rééducation fonctionnelle. Article L.4321-1 du Code de Santé Publique : « La profession de masseur-kinésithérapeute consiste à pratiquer habituellement le massage et la gymnastique médicale ». [3]
De nombreux masseurs-kinésithérapeutes se tournent aussi vers un exercice complémentaire défini comme "Hors-Nomenclaturaire", c'est à dire non remboursé par les Caisses d'Assurance Maladie. Ces activités, qui restent bien sûr du domaine de compétence du masseur-kinésithérapeute, sont les massages de bien-être ou d'amincissement mais aussi l'ostéopathie et autres thérapies manuelles, la gymnastique d'entretien, de renforcement ou de fitness, la kinésithérapie plastique, la prévention du dos, le conseil en ergonomie, etc... Elles sont pratiquées la plupart du temps dans le cabinet spécialement aménagé du masseur-kiné, et parfois en dehors, à domicile ou dans les entreprises ou les associations par exemple.
L'exercice du masseur-kinésithérapeute est fortement contrôlé, comme tous les professionnels de santé en France dont l'activité est règlementée à la fois par le Code de Santé Publique et par un Code de Déontologie. D'une part, les Directions Départementales des Affaires Sanitaires et Sociales (DDASS), organismes préfectoraux de vigilance sanitaire, s'assurent de la compétence des praticiens installés dans le département. D'autre part, l'Ordre des Masseurs-Kinésithérapeutes veille au respect du Code de Déontologie et des principes de moralité et de probité des membres inscrits au Tableau, toute transgression pouvant entraîner une sanction discplinaire. [2,3,7]
-
La formation : les études supérieures en Masso-Kinésithérapie sont définies par le Code de Santé Publique (articles D.4321-14 et suivants). Leur durée est de 3 ans et l'obtention du Diplôme d'Etat de Masseur-Kinésithérapeute se fait sous condition de réussite à une épreuve comprenant 2 mises en situation professionnelle et la soutenance d'un mémoire. [3,6,7]
L'entrée en Institut de Formation en Masso-Kinésithérapie (IFMK) se fait sur concours. Le numérus clausus très restrictif (1889 places en 2006) [15] impose aux candidats le suivi d'une année de préparation après un Bac Scientifique. Depuis 1992, une expérience en collaboration avec les Universités de Médecine intègre le concours d'entrée en IFMK à celui du passage en 2ème année de Médecine (concours de PCEM1). Aujourd'hui, 21 des 38 IFMK ont optés pour ce mode de sélection des élèves [9]. La durée totale des études doit donc être considérée de 4 ans (1ère anné de "prépa kiné" ou de Médecine + 3 ans d'IFMK) mais le processus de Bologne visant à uniformiser avant 2010 le cursus des études partout en Europe sous le format Licence-Mastère-Doctorat apportera peut-être une année supplémentaire, soulageant un programme scolaire très lourd du fait de l'étendue du champs de compétence de la Masso-Kinésithérapie [9].
Ce programme de formation d'un total d'environ 3400 heures se déroule dès la 2ème année suivant une alternance école - stages hospitaliers. Il comprend notamment l'enseignement de l'anatomie, de la physiologie, de la pathologie et des différentes disciplines médicales comme la traumatologie, la rhumatologie, la neurologie, la cardiologie. Il inclut aussi l'ergonomie, la prévention et la promotion de la santé, ainsi que la psychologie et la relaxation [6].
De nombreux travaux pratiques, effectués en binômes durant les cours en IFMK, permettent
aux étudiants d'entraîner leur main et leur sens du toucher sur la matière vivante du corps humain. Suivant l'héritage de PEHR HENRIK LING, ce sont les manoeuvres du massage suédois qui ont la faveur des enseignants en massage des IFMK. Son approche thérapeutique et ses effets musculaires en font un outil majeur de l'arsenal masso-kinésithérapique.
Ces manoeuvres de massage décrites par LING et enseignées en IFMK offrent au masseur-kinésithérapeute une multitude de variations dans leur application, en fonction de la démarche du praticien : privilégiant les pressions glissées douces englobantes, le massage se fait Californien ; insistant sur le pétrissage musculaire décontractant, le massage devient Suédois ; ciblant par pressions statiques des points énergétiques précis, on le nomme alors Shiatsu ou Amma ; associé à des étirements et des postures, il se définit comme Thaïlandais, etc.
Si la philosophie dans laquelle est réalisé le massage diffère, les manoeuvres n'en restent pas moins identiques. Il est donc important qu'elles soient effectuées par des professionnels possèdant toutes les connaissances nécessaires en anatomie et physiologie humaine, définies par le Code de Santé Publique, et faisant preuve d'une probité irréprochable en respectant le Code de Déontologie.
Retour
Les Esthéticien(ne)s
-
La profession : l’Esthéticienne est spécialiste de la mise en beauté des peaux saines. Elle assure différents types de soins corporels, dans un but d’hygiène et d’esthétique, à commencer par les soins du visage. Sa mission est l'amélioration de la texture d’une peau, le retardement des effets du vieillissement, la dissimulation des imperfections d’un visage ou d’un corps. Grâce à son savoir-faire elle identifie chaque type de peau (normale, grasse, déshydratée, etc.) et lui dispense les soins les mieux adaptés. Elle est aussi la spécialiste du maquillage. Tous ces actes impliquent une bonne connaissance des techniques de soin et des cosmétiques, et obligent l'esthéticienne à se tenir informée des nouveautés en la matière. [10,11]
Les soins du corps représentent également une part importante de son travail. En effet, dans une société qui mise beaucoup sur l'apparence, nombre de femmes et, depuis peu, quelques hommes, fréquentent les instituts de beauté. Outre les soins traditionnels (du type épilations, manucures...), l'esthéticienne a recours à de nouvelles techniques comme les modelages, les enveloppements, la balnéo-esthétique, l'ionophorèse (qui consiste à envoyer des courants électriques faibles pour diminuer la transpiration), l'aromathéraphie (qui utilise les huiles essentielles), etc. [10,11]
Enfin, elle conseille ses clientes dans le choix des produits et la manière de les utiliser, en fonction de leurs souhaits. En effet, elle participe aussi à la vente des cosmétiques de l'institut de beauté et peut se charger du réassortiment, elle possède donc des notions de marketing et de management. [10,11]
L’esthéticienne exerce sa profession dans différents lieux : les instituts de beauté, les parfumeries, les parapharmacies, les salons de coiffure, les centres de thalassothérapie, les spas des grands hôtels, à domicile, à l’hôpital, dans les maisons de retraite… L'étude pré-citée [5] indique que 16 550 instituts de beauté étaient recensés dans les Pages Jaunes en Octobre 2005, soit un indice moyen en France métropolitaine de 28,3 établissements pour 100 000 habitants (contre 70,6 pour les masseurs-kinésithérapeutes en cabinet libéral selon la même étude statistique).
-
La formation. Plusieurs voies offrent la possibilité d'accéder à différents niveaux de la profession d'esthéticien(ne)-cosméticien(ne) [10,11,13] :
- le Certificat d'Aptitude Professionnelle (CAP) "Esthétique-cosmétique" est accessible après la classe de 3ème. Il se prépare en 2 ans, soit dans un lycée professionnel ou un établissement privé, soit en apprentissage (l'enseignement théorique est alors dispensé par les CFA ou les sections d'apprentissage, tandis que la formation pratique se déroule en entreprise). Le CAP "Esthétique-cosmétique" permet d’acquérir les bases essentielles pour dispenser les soins du visage, des mains, le maquillage, l’épilation, conseiller et vendre des produits cosmétiques et des prestations de soins, etc. Il ouvre à des formations complémentaires (soins du corps, vente-gestion, vendeuse-conseil en esthétique...) et à la préparation du Brevet Professionnel "Esthétique, cosmétique, parfumerie" par la voie de l'apprentissage. Il est également possible de se spécialiser en onglerie, manucurie ou maquillage dans des écoles privées.
- le Brevet Professionnel (BP) "Esthétique, cosmétique, parfumerie" : il représente la suite logique après l’obtention du CAP. Il se prépare en 2 ans de formation continue, en alternance école - entreprise, et permet de se spécialiser en soins du corps, dans la vente de produits et d’approfondir ses connaissances.
Titulaire du BP Esthétique-Cosmétique, le professionnel peut exercer la pratique des soins de beauté et la vente de produits cosmétiques ou de parfums en tant que responsable ou chef d’entreprise, c'est à dire s'installer à son compte.
- le BAC Professionnel "Esthétique-Cosmétique" : ouvert aux titulaires d’un diplôme de niveau V ou aux lycéennes en fin de Première ou de Terminale, sa durée de préparation est de 2 ans.
Le titulaire d’un BAC Professionnel "Esthétique-Cosmétique" est formé pour conseiller, vendre des prestations, des produits cosmétiques et de parfumerie, assurer l’animation de pôles de vente, etc.
- le Brevet de Technicien Supérieur (BTS) "Esthétique-cosmétique" est le diplôme le plus prestigieux de la profession. De niveau BAC+2, à finalité professionnelle, il se prépare dans des lycées d'enseignement technologique ou dans des établissements privés. Sont admis en classe de BTS Esthétique cosmétique les titulaires de n'importe quel bac général ou technologique. Néanmoins, ce BTS est plutôt réservé aux bacheliers scientifiques. Il permet d'accéder à des fonctions d'encadrement en institut de beauté ou en laboratoire, ainsi qu'à des postes dans la conception ou le développement de produits et de services en esthétique ou en cosmétologie. Une professionnelle titulaire du BTS esthétique-cosmétique peut aussi passer des concours pour enseigner en lycée professionnel ou s'orienter vers des formations paramédicales (pédicure, kinésithérapeute, etc.).
L'arrêté du 29 Juillet 1998 qui définit les programmes d'études pour l'obtention des différents diplômes des esthéticiennes ne mentionne nullement le terme de massage, évoquant seulement : « les effleurages, lissages, battages, pressions frictions, pétrissages, pincements et vibrations ». Les esthéticiennes ne sont donc pas autorisés à annoncer dans leur publicité qu'elles effectuent des massages. [14]
Mais promoteurs de l'expansion du marché du bien-être, esthéticiens et esthéticiennes se sont très vite appropriées le domaine du massage, qu'elles estiment dans la continuité naturelle de leurs actes de soins corporels. Ce faisant, des frictions entre masseurs-kinésithérapeutes et esthéticiennes sont inévitablement apparues, les premiers accusant les autres, à juste titre, d'exercice illégal de la masso-kinésithérapie, les secondes dénonçant une législation inadaptée à la pratique d'un massage de confort sur des individus sains, loin de toute considération médicale ou thérapeutique. Devant la recrudescence des procédures judiciaires à l'encontre des esthéticiennes, plusieurs syndicats d'esthétique-cosmétique, soutenus par le président de l’Assemblée Permanente des Chambres de Métiers, interpellent en 2005 le ministre des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et des Professions libérales afin que soient clarifiées ce chevauchement des champs d'activité [12]. Il en résulte l'intégration d'un amendement à la loi du 2 Août 2005 modifiant l'article 16 de la loi n° 96-603 du 5 Juillet 1996 fixant les dispositions concernant la qualification professionnelle exigées pour l'exercice de certaines activités [1, 14] : « - les soins esthétiques à la personne autres que médicaux et paramédicaux et les modelages esthétiques de confort sans finalité médicale ». Si cet amendement ne satisfait pas les esthéticiennes qui auraient souhaité le terme de "massage" à la place de "modelage", il aura au moins pour mérite de mettre fin aux débats et sécuriser la situation des esthéticiennes vis-à-vis de la loi et des masseurs-kinésithérapeutes. Il est également de nature à protéger la profession contre les personnes non formées qui voudraient occuper le marché du modelage.
Retour
Les Praticiens de Bien-Etre
-
La profession : disons-le clairement, cette profession n'a aucune reconnaissance de l'Etat si ce n'est par l'URSSAF qui lui attribue le code NAF 930L : « Autres soins corporels » [5] . Estimés à 2177 professionnels (dont 171 sur Paris) inscrits à la rubrique "Relaxation" des Pages Jaunes en Octobre 2005 [5], leur activité se porte exclusivement sur la pratique du massage de bien-être, que son protocole soit d'origine asiatique, moyen-oriental ou occidental. En effet, les praticiens bien-être veulent généralement se démarquer des autres professionnels du massage en proposant une orientation philosophique de leurs prestations basée sur la médecine traditionnelle extrême-orientale et particulièrement chinoise, une approche que l'on retrouve dans l'acupuncture. S'inspirant du Tao qui considère que l'univers est parcouru par un souffle ("Chi" pour les chinois, "Ki" pour les japonais et "Prâna" pour les Indoux) et que tous les êtres vivants en sont baignés, ces techniques manuelles asiatiques doivent favoriser la libre circulation de cette énergie dans le corps et résoudre d'éventuels déséquilibres énergétiques. [15]
Bien sûr, cet abord traditionnel oriental du corps humain n'étant pas validé par la science moderne, le législateur estime que ces professionnels ne possèdent pas les compétences en anatomie et physiologie humaine nécessaires pour assurer la sécurité sanitaire de leurs clients [2]. Les écoles de formation au massage de bien-être ne sont donc pas agréées par l'Etat et les praticiens de bien-être exercent le massage sans possèder de responsabilité civile professionnelle, aucune assurance en France ne voulant couvrir un exercice illégal, ce qui les met sérieusement en porte-à-faux en cas d'accident avec un client. La législation a même évolué en leur défaveur : le décret du 8 Octobre 1996 modifie la définition du massage dans le décret de compétence des masseurs-kinésithérapeutes en y ajoutant : « on entend par massage toute manoeuvre externe, réalisée sur les tissus dans un but thérapeutique ou non ». Ce "ou non" englobe donc la pratique du massage non thérapeutique et par conséquent le massage de bien-être, le conférant exclusivement aux masseurs-kinésithérapeutes [3,17]. De plus, le décret du 27 Août 2005 renforce la sanction pour exercice illégal de la masso-kinésithérapie, c'est à dire de la pratique du massage sans être titulaire du diplôme d'Etat de Masso-Kinésithérapie [1,3].
Enfin, rappelons que le titre de "masseur", accompagné ou non d'un qualificatif ("de bien-être", "de relaxation", etc...), est un délit puni par l'article 433-17 du Code Pénal [1,4]. Pour cette raison, ces professionnels se dénomment "relaxologues", "praticiens" ou "techniciens" de bien-être et jamais "masseurs" afin de ne pas tomber sous la sanction du Code Pénal... A l'image du "modelage" esthétique, ce leurre sémantique cache bien un exercice du massage répréhensible.
Et pourtant, depuis 1985, c'est ironiquement un ancien masseur-kinésithérapeute qui représente le chef de file du militantisme anti-monopole du massage. Joël Sovatofski ouvre alors à Dijon un institut de formation ouvert à tous, l'Ecole du Toucher-Massage, puis organise pendant 8 ans des séances de massage, aidé de ses acolytes, sur les aires d'autoroute [15,16,17]. Il devient alors l'ennemi numéro 1 des syndicats de masseurs-kinésithérapeutes qui l'attaquent en justice. La procédure se termine par sa relaxe, le tribunal n'ayant pas jugé que les manoeuvres employées (sur des sujets habillés et assis) puissent être qualifiées de "massage" [2].
Convaincus du bien-fondé de leur action, Joël Sovatoksky et ses partisans crééent en Mars 2002 l'Association Soutien Massage Bien-Etre à laquelle succèdera en Octobre 2004 la Fédération Française du Massage Bien-Etre (FFMBE) [17]. De même en Mai 2007 est fondée la Fédération Française du Massage Traditionnel de Relaxation (FFMTR) [18]. Ces fédérations qui affirment que l'on compte à ce jour 25 jurispridences en faveur des masseurs non-kinés [15],
se donnent pour mission d'organiser la profession, de lutter contre les dérives malsaines et de promouvoir le massage de bien-être non médical. Elles ne considèrent pas que le massage de bien-être entre dans le champs de la masso-kinésithérapie ; elles justifient leur argumentation sur 4 points :
- d'une part, le métier de masseur-kinésithérapeute est issu de la fusion en 1946 de 2 disciplines médicales : la massothérapie
et la gymnastique médicale. Le fondement même de la masso-kinésithérapie trouve donc son origine dans une acceptation paramédicale. [17]
- d'autre part,
l'article R. 4321-1 du Code de la Santé Publique définie la masso-kinésithérapie comme étant « des actes réalisés de façon manuelle ou instrumentale, notamment à des fins de rééducation, qui ont pour but de prévenir l'altération des capacités fonctionnelles, de concourir à leur maintien et, lorsqu'elles sont altérées, de les rétablir ou d'y suppléer ». Là encore, la masso-kinésithérapie est présentée comme ayant une finalité thérapeutique. [17]
- ensuite,
la déclaration sur la promotion des droits des patients en Europe, adoptée en 1994, indique que « chacun a le droit de recevoir les soins correspondant à ses besoins, y compris les mesures préventives et les activités de promotion de la santé ». C'est dans ce cadre de promotion de la santé (aspect préventif) et non de traitement de la maladie (aspect curatif) que se positionnent les praticiens de bien-être. [17]
- enfin, la législation française en matière de massage fait quasiment office d'exception planétaire. Que ce soit aux Etats-Unis, au Canada, en Belgique, en Suisse, en Allemagne, et dans d'autres pays du monde
comme bien sûr dans les pays asiatiques, deux professions co-existent ensembles et en bons termes : les physiothérapeutes pratiquant la kinésithérapie (le soin par le mouvement), et les massothérapeutes s'occupant du massage thérapeutique et de bien-être. Ainsi, la réunion de ces 2 champs de compétence au sein d'une seule et même profession est une particularité franco-française vivement dénoncée par les fédérations de professionnels du massage de bien-être. [15]
Mais si le métier de praticien bien-être reste encore une orientation juridiquement risquée, celle de l'enseignement du massage de bien-être l'est beaucoup moins. On voit donc se multiplier une multitude de formations hétéroclites, rendant d'autant plus difficile une uniformisation des études et la crédibilité d'un diplôme.
-
La formation : depuis qu'une loi sur l'enseignement supérieur fut promulguée au XIXème siècle, quiconque est libre en France d'enseigner ce que bon lui semble. Si l'esprit de la Loi voulait ainsi éviter toute censure et imposition d'un mode de pensée unique, son application pervertie a pour conséquence l'apparition de véritables escroqueries à la formation. En effet, la mode du bien-être voit proliférer les écoles, stages et séminaires de formation au massage de bien-être en tous genres. Toutes ces formations sont privées, de durée plus ou moins longue (1 week-end à 3 ans) et donc de coût plus ou moins élevé (de quelques centaines d'euros le week-end à plus de 6 000 euros l'année), et délivrent toutes sérieusement un authentique certificat de formation... qui n'a aucune valeur juridique ni légitimité professionnelle ! En effet, malgré un investissement personnel et financier important, l'étudiant qui subit la plupart du temps une désinformation et l'illusion de débouchés professionnels, ne peut en aucune façon pratiquer légalement son activité de massage avec ce certificat de formation.
Le programme des études varie de façon très hétérogène en fonction des écoles : certaines enseignent la somatologie, d'autres la danse et la méditation comme Arts of Touch, d'autres encore les techniques commerciales et la communication comme Arnika. Et même entre la FFMBE et la FFMTR, la discordance est de mise concernant le contenu de leur projet de formation diplômante en 500 heures d'enseignement [15]. Il est certain que les intérêts commerciaux et lucratifs de quelques grosses écoles de formation au massage, dont on retrouve régulièrement les stands dans les salons grand public, font obstacle à toute entente et discussion sereine pour une proposition collègiale de formation au massage susceptible d'être validée par l'Etat.
D'aucuns voudraient garder l'exclusivité du massage au masseur-kinésithérapeute, d'autres cherchent une reconnaissance en tant que massothérapeute ou masseur de bien-être. Et les esthéticiennes, en première ligne dans l'expansion du marché du bien-être, vont elles se contenter du modelage de confort, un massage qui ne dit pas son nom ?
Autant d'acteurs en jeu, autant de conflits d'intérêt autour de la demande croissante du grand public en massage de bien-être. Est-ce pour autant qu'il faille ignorer le principe de précaution dans son application ? Car le massage n'est pas un acte anodin et si certains proclament haut et fort le droit de chaque individu, d'être touché par qui bon lui semble et qui lui semble bon, il est tout de même recommandé de ne pas laisser son corps entre n'importe quelles mains...
Retour
Sources :
- Légifrance : www.legifrance.gouv.fr.
- Kinélégis : www.kinelegis.com.
- « Code de la Santé Publique », Dalloz, 2006.
- «Code Pénal », Dalloz, 2006.
- Etude de marché "Relaxation et Bien-Etre", Régis BAUMES, Janvier 2006.
- « Etudes de Masso-Kinésithérapie », Décrêt n° 89-633 du 5 Septembre 1989.
- « Devenir Masseur-Kinésithérapeute », Conseil National de l'Ordre des Masseurs-Kinésithérapeutes : wwww.cnomk.org.
- « La kiné en chiffres », Fédération Française des Masseurs-Kinésithérapeutes Rééducateurs : www.ffmkr.com.
- « Réforme des études : la place du masseur-kinésithérapeute », Franck Gougeon, Kiné Actualité n° 1093, Janvier 2008.
- « Esthéticien(ne)-Cosméticien(ne) », Office National d'Information sur les Enseignements et les Professions : www.onisep.fr.
- « Esthéticienne », Studyrama : www.studyrama.com.
- « Massages, le combat continue... », Michèle Lamoureux, Les Nouvelles Esthétiques Spa : www.nouvelles-esthetiques.com.
- « Devenir Esthéticienne », Les Nouvelles Esthétiques Spa : www.nouvelles-esthetiques.com.
- « Statut légal et reconnaissance du massage », Association Edelweiss : www.massage-bebe.fr.
- « Les nouveaux métiers du bien-être », Georges Margossian, Ed. Ellébore, 2007.
- « L'affaire "massage bien-être"», Joel Savatofski, Ed. Yves Michel, 2006.
- « Les communiqués de la FFMBE : juridique », Fédération Française de Massage Bien-Etre : www.ffmbe.fr.
- « Présentation », Fédération Française du Massage Traditionnel de Relaxation : www.ffmtr.fr.
© 2007 Florent DELES